Le 10 novembre dernier, les Spectacles, lunettes Snapchat nouvelle génération voient le jour (oui, ok, j’admets qu’on a deux mois de retard, mais on a qu’à se dire que c’était pour prendre un peu de recul). Connectées avec l’appli, elles permettent de filmer sans les mains les moments les plus ridicules passionnants de nos vies.

Les lunettes Snapchat Spectacles, qu’est ce que c’est ?

Traitons rapidement les questions techniques. Les Spectacles, ce sont des lunettes de soleil qui ne protègent pas du soleil. Mais elles filment des vidéos de 10 à 30 secondes envoyées directement sur ton Snapchat. Elles sont envoyées via wifi ou Bluetooth, tout ça pour la modique somme de 115 € (en théorie, parce qu’en réalité si toi aussi tu veux entrer dans le monde des lunettes Snapchat, ça va te coûter beaucoup plus cher).

Avant d’entrer plus dans le vif du sujet, je te propose de regarder cette petite vidéo officielle pour te mettre dans l’ambiance.

Quid du droit à l’image et de la vie privée ?

Quand j’ai entendu parler des Spectacles, mon premier reflex a été très simple : moyennement envie de pouvoir me faire filmer à mon insu dans la rue. Alors oui, c’est vrai : tu peux déjà te faire immortaliser en train de tomber quand tu essaies d’attraper ton tram par des inconnus. Mais au moins, avec un téléphone, ça se voit.

Alors que les lunettes : un petit clic discret, et on est parti. C’est justement une des principales critiques faites aux Google Glass. Et ce n’est pas la lumière qui indique que l’appareil filme qui change quelque chose (et qui était également présente sur le modèle de Google, au passage).

Alors quelle est la différence ?

Lunettes Snapchat Spectacles

Si Evan Spiegel (à la tête de Snapchat) a toute mon admiration, ce n’est pas seulement parce qu’il me permet de mettre des lunettes disco et de me la raconter un peu (si toi aussi t’es un vrai, je sais que tu vois exactement de quel filtre je veux parler). C’est aussi parce que c’est un mec qui a compris que plus c’est simple, plus ça marche. Il l’a prouvé avec Snapchat : des photos et vidéos qui s’autodétruisent. Principe de base que personne d’autre n’avait pourtant mis en œuvre, et le succès au début a été immédiat.

C’est la même chose avec les lunettes Snapchat : pas intelligentes, pas augmentées, elles se contentent de filmer. Pas de reconnaissance faciale qui, couplée à une connexion et à la réalité augmentée, posait avec les Google Glass un vrai problème de vie privée. Et pas d’utilisation des vidéos en dehors de l’appli (on y croit).

Les lunettes Snapchat ont été marketées comme un gadget. Un jouet « cool » qu’on porte de temps en temps pour filmer des amis et pas comme un outil d’espionnage high-tech.

Coup marketing ou coup de génie ?

D’ailleurs, le marketing autour des Spectacles, c’est un des éléments les plus importants. Il a permis à Snapchat de comme des petits pains des lunettes qui dans l’absolu ne servent pas à grand chose (impossible même de filmer pour soi, puisque les vidéos sont visibles uniquement via Snapchat) sous couvert d’innovation. Pourtant, c’est loin d’être le cas puisque ce type de gadgets existe depuis des années.

Et pour ça, il a mobilisé les deux piliers du marketing : la rareté et le storytelling. En réalité, ce n’est pas la lunette qui compte mais, c’est comment elle est vendue. Après une annonce discrète en septembre 2016, Snapchat a déployé la Spectacle en quantité très limitée. Elles ont été vendues dans les petites boutiques ambulantes appelées des snapbots.

Et la clé du succès, elle est là. Faire monter la pression en annonçant quelques heures avant l’emplacement de la boutique, faire attendre les gens devant une fois sur place (après ce long voyage en ballons, le snapbot a besoin d’une sieste), et donner une petite quantité de produits aux plus chanceux (et aux plus déterminés qui ont fait jusqu’à 8 heures de route aller-retour pour une paire).

C’est cet effet de foule qui intéresse la marque qui n’a fait que très peu de bénéfices sur ses lunettes, preuve qu’on est bel et bien sur un coup de pub et pas sur un vrai produit.

Créer un événement et faire du bruit (et regarder en se frottant les mains les paires de lunettes se revendre à des prix hallucinants sur le web). En effet : même si le prix était abordable, la distribution montre que les Spectacles ne sont pas faites pour être accessibles (Snapchat parle d’une distribution à grande échelle… On y croit ?) ni même utilisées (qui a déjà vu sur son flux un Snap pris par ces lunettes?).

Elles ont été conçues et produites pour valoriser l’image de la marque, tout simplement. Et quand on voit la santé financière de l’entreprise (plus d’un milliard de dollars de déficit sur 5 ans, soit quand même 200 millions de pertes par an (c’est comme si tu perdais un peu plus de 500 000 euros chaque jour)), on comprend encore mieux qu’il s’agit avant tout de faire parler de la marque.

En ce qui me concerne, c’est donc avec un avis plutôt mitigé que j’appréhende les lunettes Snpachat. Un gros coup de pub comme on les aime donc, mais rien de particulier en terme d’innovation ou d’image (après, je suis quelqu’un d’ouverte, donc peut-être qu’on va se retrouver bientôt pour un test un peu plus concret ;) ). Alors oui, Google va des fois (qui a dit souvent ?) un peu trop loin. Mais ils ont le mérite de rendre accessible à tous des technologies nouvelles, et de ne pas le faire que pour l’image. Preuve en est s’il le faut du succès des Google Cardboard.